L’APPORT DE VAUBAN
Dans la deuxième moitié du XVe siècle, l’apparition du boulet métallique due aux progrès de la métallurgie rend l’artillerie beaucoup plus performante. La conséquence en est que les solutions traditionnelles de la fortification qui, depuis les Grecs et les Romains, permettaient de résister à la menace de l’artillerie nevrobalistique (catapultes, mangonneaux et autres trébuchets…) ne suffisent plus.
Désormais, le boulet métallique tiré à moins de 100 mètres brise n’importe quel rempart de pierre quelle que soit son épaisseur. Les architectes de ce temps essayeront en vain, comme au château de Salses, de construire à grands frais des murailles de 12 mètres et des voûtes de 9 mètres d’épaisseur, en les défilant par rapport à l’assaillant. Rien n’y fera.
Ce sont des ingénieurs italiens qui vont trouver la réponse avec deux innovations décisives:
Le mur de terre rempart de 25 mètres d’épaisseur revêtu de pierres ou de briques qui absorbe le choc du boulet métallique. Le problème est que, comme on ne sait pas lever de tels remparts à de grandes hauteurs sans qu’ils s’écroulent, il est nécessaire de les défiler dans le fossé et donc, étant très bas, il devient impossible pour le défenseur de voir ce qui se passe au bas du rempart qu’il défend et donc d’empêcher un mineur de s’en approcher.
La seule solution est de faire surveiller et défendre ce pied de rempart par ses voisins de droite et de gauche, d’où le tracé en redans qui deviendra vite le « tracé bastionné », où chaque bastion est couvert latéralement par un bastion adjacent dont les feux ne laissent aucun angle mort. En avant du rempart un glacis également couvert par les feux provenant des remparts oblige l’assaillant à progresser à découvert.
A partir de cet agencement architectural il convient de retarder le plus longtemps possible le moment ou l’assaillant approchera de la dernière muraille du défenseur, d’où la multiplication en avant de dispositifs visant à retarder sa progression tels que les demi-lunes, les contre-gardes, les tenailles et des ouvrages plus compliqués dit à couronne ou à cornes.
Cette sophistication des défenses successives fait des places fortes des XVIIè et XVIIIe siècle des échiquiers compliqués sur lesquels sont déroulés les ballets réglés qu’étaient les sièges de cette époque.
En effet l’adoption de ce dispositif rend impossible toute progression à découvert de l’infanterie d’attaque. Celle-ci devra donc progresser dans des tranchées en zigzag pour ne pas être balayée par les tirs d’enfilade d’artillerie et de mousqueterie des assiégés.
Chacun de ces cheminements en chicane, protégés des tirs par les terres rejetées alternativement à droite et à gauche, prendra le nom « d’attaques ». Mais les diverses attaques étant isolées, sans liaisons entre elles, une sortie de la garnison assiégée pouvait à tout moment en détruire une sans que les soldats des autres tranchées puissent leur porter secours.
Quant à la brèche, qui devait être pratiquée dans le mur d’escarpe reliant deux bastions afin de permettre aux assiégeants de pénétrer dans la place, elle était réalisée au moyen d’un « fourneau de mine » ouvert à la pince et au pic par un mineur très vulnérable pour pouvoir y placer les explosifs destinés à faire écrouler le rempart. Un siège était donc extrêmement coûteux en vies humaines, pour les deux parties.